Gouffre Berger – 27 et 28 janvier 2001

Redacteurs
– France ROCOURT, Conseiller Technique adjoint
– Thierry LARRIBE, Conseiller Technique adjoint
– Alain MAURICE, Conseiller Technique départemental
– Laurent MINELLI, Conseiller Technique adjoint
– Eric SANSON, Conseiller Technique adjoint

LE CHOIX DE LA CAVITE ET DU TYPE D’EXERCICE

La demande du Maire d’Engins d’organiser un exercice de secours au gouffre Berger l’hiver a rejoint la volonté de la Préfecture de simuler un secours hivernal avec des difficultés d’accès.

SCENARIO
Cinq spéléologues ne sont pas ressortis du Gouffre Berger. Vendredi 26 janvier à 18H les familles s’inquiètent et préviennent les secours. A 3H du matin, le lendemain, un membre de l’équipe est remonté donner l’alerte : un de ses coéquipiers a fait une chute à -300m, trois autres membres de l’équipe sont fatigués et attendent à coté de la victime.

DEROULEMENT DE L’EXERCICE

HeureObservations
Samedi 27 janvier 2001
6h00-7h00Installation du P.C.
7h00-7h30Arrivée des équipes 1,2,3,4,5 au P.C.
8h00Départ des équipes 1,2,3,4,5 – 1ère vague de 41 personnes, 1ère navette.
8h301ère vague ,2ème navette.
9h20Arrivée en P1 de l’équipe de balisage (CRS – PGHM) et de l’équipe 1.
9h30Arrivée du SAMU au P.C.
10h00 à 10h15Arrivée de l’équipe 6.
10h15L’équipe 1 est à l’entrée du trou – P5.
10h20Engagement de l’équipe 1 sous terre.
11h40Incapacité de contacter P5.
11h55Départ de l’équipe 6 2ème vague de 5 personnes.
12h00à 14h30Descente des équipes 2 à 5.
13h20Suite a une avalanche aux 2 Alpes, le réseau « Securité Dauphiné » restera inactif.
15h10les équipes 7, 8, 9, 10, 11 et 12 (32 presents) arrivent au P.C.
15h401ère navette pour la 3ème vague de 40 personnes des équipes 7 8, 9, 10, 11 et 12.
15h45Bilan medical : 3 victimes affaiblies et une qui a fait une chute entre des blocs (luxation de l’épaule et peut- être une fracture) à -300m au lac Cadoux.
16h00L’équipe 6 entre sous terre.
16h152ème navette pour la 3ème vague.
16h452ème bilan médical :
Le blessé souffre d’une luxation à l’épaule droite réduite et immobilisée et d’une fracture fermée à la cheville droite, platrée et analgésiée à l’aide d’une anesthésie loco-régionale. Le blessé médicalisé se restaure avant d’être placé sur le brancard.
17h15L’équipe 2 remonte avec les victimes assistées. Les 6 premières équipes sont engagées.
18h50 à 20h00La victime est déplacée au pied du puits Aldo à -250m pour plus de confort.
20h20 à 22h40Les équipes 7 à 10 sont engagées sous terre.
22h00 à 23h15Sortie des 3 victimes assistées.
22h40La civière commence la remontée des puits
dimanche 28 janvier 2001
3h10 à 7h20La civière et les sauveteurs qui l’accompagnent se reposent au bas du puits Garby à -140m . Remontée et sortie d’équipiers.
5h40L’équipe 11 entre sous terre après avoir dormi à l’entrée.
7h00Bilan: 57 personnes sous terre.
8h004 ème vague : équipe 13 part avec la navette pour déséquiper le P.C.Avancé situé en P5.
8h45les équipes de spéléologues commencent à quitter P5.
11h30La civière est sortie du gouffre.
12h00Le blessé est arrivé en P4, il attend le retour de la moto neige.
12h45Le déséquipement complet du P5 est réalisé.
Sortie du dernier spéléologue du gouffre Berger.
15h00Arrivée au PC du dernier spéléologue engagé sur l’exercice.
17h00Le P.C. est entièrement évacué par les spéléologues.

{P1 : départ du télésiège – P2 : arrivée du télésiège – P3 : carrefour avec le GR – P4 : carrefour de 1495 – P5 : entrée du gouffre Berger}

PARTICIPANTS
– Participants à la partie spéléologique de l’exercice : 93
– dont engagés sous terre : 71
– 3SI : 22 spéléo en surface et 43 sous terre.
– 3SI : 12 pour l’équipe médicale.
– SAMU : 2 en surface, 1 sous terre.
– CRS : 9 en surface, 4 sous terre.
– PGHM : 8 en surface, 3 sous terre.
– SDIS : 20 en surface, 8 sous terre.
– Croix Rouge : 75 en surface.
– ADRASEC 38 : 8 en surface.
– Fédération Française de Sauveteurs Secouristes : 6 en surface.

Total des effectifs : 222 (151 en surface, 71 sous terre).

OBJECTIFS POURSUIVIS – BILAN

1/ Demander l’ouverture du gouffre Berger l’hiver : pour cela, il fallait démontrer que l’on était en capacité de sortir une victime et de gérer un gros effectif en surface et sous terre par des conditions hivernales.

1.1 En surface :
1.1.1 les conditions météorologiques :
La neige et le froid étaient au rendez-vous : on a réussi a faire dormir à l’entrée, par – 15°, plusieurs dizaines de sauveteurs (31 tentes plantées à l’entrée).
Pour l’accès : une grande partie du matériel des équipes spéléologiques engagées le samedi matin a été transporté à dos d’homme sur 5 kilomètres, soit une bonne heure de marche en raquettes.

1.1.2 Le poste de commandement avancé du Spéléo Secours Isère – 3SI est composé de 2 tentes collectives, de moyens de chauffage, table, chaises et de divers matériels, il est conditionnable en 10 sacs à dos. Il a permis d’abriter les opérateurs radio, les CT dans l’une des tentes, l’autre a été utilisée par sauveteurs pour se changer au sec et au chaud et pour entreposer du matériel qui ainsi n’a pas gelé.
Ces matériels sont biens rodés après plusieurs exercices en présence de neige (Dent de Crolles , Croix Brulées) et un secours à la Tanne des Crolleurs (Savoie).
Les membres de la Fédération Française de Sauveteurs Secourites avaient installé une tente médicale. Cette dernière est intéressante : légèreté, rapidité de montage, volume permettant la station debout. Ces personnes ont été efficaces et parfaitement autonomes.

1.1.3 Les sauveteurs qui étaient engagés sous terre tard dans la nuit ou qui sont sortis de nuit ont bivouaqué dehors par une température de -15°. Cela concerne une cinquantaine de personnes répartis en 28 tentes et 1 igloo, ils étaient autonomes pour leur couchage, leur nourriture et leur matériel spéléologique.

1.2 sous terre
1.2.1 L’évacuation de la civière a effectivement duré 10 heures, habituellement, elle est réalisée en 13. Le délai a été raccourci grâce au nombre important de sauveteurs engagés sous terre. Seulement la moitié de cet effectif aurait suffit en secours réel. En impliquant un surplus de sauveteurs les conseillers Techniques ont voulu jouer le jeu des relèves, ils ont en outre permis à de nombreux spéléologues d’être confrontés :
– au gouffre Berger que beaucoup ne connaissaient pas,
– au conditions hivernales,
– au bivouac en surface, dans la neige.
Les conditions climatiques dans le gouffre étaient particulièrement pénibles à cause d’un très fort courant d’air glacial qui balayait toute la zone d’entrée jusqu’à -80. Les cordes des premiers puits avaient gelé ce qui a un peu compliqué la tache des sauveteurs.

1.2.2 le niveau téchnique des sauveteurs participant à l’exercice
Le grand nombre de sauveteurs présents et qualifiés a montré notre capacité a mobiliser des moyens humains importants pour des conditions difficiles. De nombreux spéléologues sont aussi venus à cet exercice sans avoir une grande pratique des techniques de sauvetage et de la spéléologie hivernale malgrès cela, ils étaient bien équipés pour affronter le froid et ils ont été efficaces. L’évacuation a été réalisée dans les délais impartis.
Les spéléologues ont très bien géré les conditions difficiles de cet exercice, Il n’y a eu que peu de désistements malgrès les prévisions météorologiques très défavorables et les très mauvaises conditions du samedi matin.
Le principe qu ‘un sauveteur spéléologue doit être autonome a bien servi lorsque la Croix Rouge a dù se retirer du dispositif, on a pas eu à souffrir du manque de nourriture.

1.2.3 les équipes médicales
Un effectif médical important a été engagé sous terre : 8 médecins et 5 auxiliaires médicaux. Ces chiffres peuvent paraître surdimensionnés mais comme pour les sauveteurs spéléologues, cela a permis au Conseillers techniques d’organiser une relève et à beaucoup de ces personnels de connaître les lieux et d’être confrontés aux conditions hivernales.
Deux équipes étaient prévues, la première était chargée de la médicalisation de la victime et la seconde de l’évacuation. Plusieurs manipulations ont été réalisées par la première équipe : mise en oeuvre de matériel médical léger et peu encombrant (scope, saturomètre etc…), immobilisation de la victime au moyen de « plâtres » adaptés au milieu souterrain,perfusion, anesthésie loco-régionale, bilan médical passé à la surface grâce au système NICOLA, toujours aussi performant.

Si une opération de secours devait être engagée par des conditions très difficiles en surface, il serait préférable d’envoyer seulement une équipe médicale renforcée par quelques porteurs de ravitaillement, ces personnes pourraient médicaliser la victime et lui permettre ainsi d’attendre le retour de conditions climatiques plus clémentes. C’est seulement à ce moment que l’on engagerait des équipes d’évacuation.

Les auxiliaires médicaux du SAMU se sont vu interdire la participation à l’exercice dans le cadre de leur service. Ils ont donc été engagés en tant que sauveteurs du Spéléo Secours Isère. Espérons que ces problèmes ne se renouvellent pas en secours comme cela a déjà été le cas malgrès la rareté des secours spéléologiques. Il en va du respect de la loi sur l’aide médicale urgente.

2/ Tester une grosse logistique de surface en impliquant la Croix Rouge Française :
2.1 au poste de commandement
La logistique de la Croix Rouge Française a fourni en nombre et en qualité des repas à l’ensemble des sauveteurs présents au P.C., nous l’en remercions.
L’effectif affecté à cette mission nous a paru trop important, il a occasionné beaucoup de gènes lors de l’arrivée massive de sauveteurs spéléologues le samedi matin.

2.2 au points P2,P3,P4,P5.
Il y avait une inadéquation entre d’une part les moyens déployés et d’autre part les besoins exprimés.
La mission de pointage des sauveteurs passant en P2,P3,P4 n’a pas été remplie.
Beaucoup n’étaient pas correctement équipés et entrainés pour affronter la neige et le froid.
Le matériel prévu est beaucoup trop lourd et encombrant pour être transporté à dos d’homme.

L’appui apporté par les corps constitués en portage de surface a été très appréciable.

3/ Anticiper la modification du plan de secours isérois :
C’était la première fois que le SDIS était placé en position de COS. Les relations entre les Conseillers Techniques et les officiers du SDIS ont été très bonnes, le rôle de chacun devra être précisé.

4/ Tester la fréquence radio « 150 Sécurité Dauphiné ».
La fréquence « 150 Sécurité Dauphiné » passe au gouffre Berger, c’est une très bonne chose. Néanmoins elle a montré ses limites :
– les appareils n’étaient pas à disposition des Conseillers Techniques et du C.O.S. en début d’exercice, ce qui a beaucoup géné la transmission des messages.
– les batteries ne permettent pas une autonomie de plusieurs jours en hiver pour les relais,.
– en cas de gros secours en parallèle, il faut diminuer le trafic sur la 150 ce qui est génant,
– des pannes peuvent survenir et il est alors impératif que le réseau soit doublé par l’ADRASEC 38,
– l’ADRASEC est d’une aide précieuse en surface pour l’écoute des appareils NICOLA et la maintenance des transmissions,
– les postes ne sont pas utilisables par des non-spécialistes.

5/ Gérer en surface une grosse opération de secours hivernal par accès difficile en impliquant des moyens institutionnels et associatifs.
Très bonne collaboration entre d’une part les différents moyens spéléologiques et les sauveteurs des corps constitués.
La bonne coordination entre ceux qui ont l’habitude de travailler ensemble tient à la très bonne connaissance des contraintes et besoins de chacun.
Les relations avec le service des pistes ont été tendues le samedi en fin de matinée et début d’après midi, les employés refusant l’accès du télésièges à des participants. Ceci était dû en grande partie au non respect par certains participants des horaires qui nous étaient impartis.

6/ Vérifier l’accès par la station d’Autrans, avec moto-neige, raquettes et skis.
L’accès par la station d’Autrans est validé, même avec peu de neige les scooter et leur remorques ont atteint le point P4. En cas de très mauvaises conditions météorologiques, il faudra prévoir un balisage plus conséquent des accès aller et retour. L’accès par la commune d’Engins pourra aussi être retenu.
Le déplacement à ski est beaucoup plus rapide.
Les moyens motorisés sont très utiles pour acheminer le matériel. Ils ne permettent pas le transport du personnel, mais ils peuvent tracter ceux qui sont à ski.

LES CONTACTS AVEC LA PRESSE
De nombreux contacts avec la presse ont eu lieu avant et pendant l’exercice. Cela a donné lieu à des articles et des reportages qui nous sont favorables. Une équipe de spéléologues a tourné de nombreuses images souterraines, celles-ci ont été mises à dispositions des différentes chaines de télévision.
Le Maire s’est exprimé quelques jours après, il a déclaré que l’exercice était non probant parce que :
– les conditions météorologiques étaient bonnes,
– les sauveteurs étaient prévenus avant,
– l’exercice se déroulait un samedi et un dimanche.

CONCLUSION

Pour la partie spéléologique de l’exercice l’objectif a été atteint : nombre important de sauveteurs engagés sous terre et en surface, déplacement dans la neige, installation d’un camp avancé et civière sortie dans les délais impartis. Tout plaide en faveur de l’ouverture du gouffre Berger l’hiver. Cette ouverture serait réservée à des équipes ayant motivé leur demande.
Il est à noter qu’aucun représentant de la Mairie d’Engins n’est venu à l’entrée du gouffre.