Eric SANSON, Conseiller Technique Adjoint
Laurent MINELLI, Conseiller Technique Adjoint
France ROCOURT, Conseiller Technique Adjoint, SAMU
DEROULEMENT DE L’OPERATION compte rendu succinct
Lundi 25 juin à 8H50, l’alerte est reçue par le Spéléo-Secours-Français qui la transmet rapidement aux Conseillers Techniques Départementaux et au CODIS.
Un spéléologue Belge est blessé à -200 mètres dans le gouffre Berger, il a une épaule démise, il y a besoin d’un médecin et de personnes pour aider l’évacuation.
En fait, l’accident a eu lieu à 700 mètres de profondeur le 24 juillet vers 18H, mais le groupe de spéléologues très expérimenté a organisé un auto-secours pour remonter le blessé jusqu’à è200 mètres. Le blessé a 60 ans, est très expérimenté, n’est pas fatigué, mais souffre beaucoup.
L’importance des moyens à engager est fonction de l’état du blessé :
– S’il peut sortir par ces propres moyens avec assistance, une dizaine de personnes est nécessaire.
– S’il faut le brancarder, une trentaine de personnes est nécessaire. Le médecin décidera.
10H11. Le médecin est près pour l’héliportage, 10H24 trois spéléos de la SSSI partent de Grenoble en voiture, d’autres spéléo de la SSSI sont mis en pré-àlerte pour prévoir un renfort en cas de nécessité de brancardage. L’intervention de l’Adrasec38 est demandée afin d’assurer la liaison PC-Molière vers l’entrée du gouffre Berger.
12H05. La première équipe médicalisée rentre sous terre, suivie d’une équipe de transmission Nicola à 13H20.
Des orages sont prévus pour le soir et peuvent apporter 20 mm d’eau. Il n’y a pas de problème de crue sous terre, mais cela peut perturber les moyens de secours en surface et interrompre les transmissions.
14H30. Une alerte pour un autre secours arrive, un enfant encadré par des professionnels a fait une chute dans la grotte Favot, il se plaint de douleur à la hanche et à la jambe. Ce secours ne demande pas de gros moyens, une demande est faite pour héliporter 2 PGHM qui étaient prévus pour le secours du Berger, ainsi qu’un médecin. Des moyens SDIS sont également envoyés sur place, Alain Maurice CTDS prend en charge ce secours.
14H50. Liaison Nicola, bilan médical le blessé avait une luxation de l’épaule avec compression du plexus brachial, c’est-à-dire une compression des nerfs par la tête de l’humérus. Ce type de blessure doit être traité rapidement pour éviter des complications, voir même des séquelles. Pour ce secours, l’urgence est relative car l’accident est survenu 15H avant le déclenchement de l’alerte.
La luxation a été réduite, mais un brancardage est tout de même nécessaire.
Mise en alerte d’environ 20 spéléos de la SSSI et renfort logistique pour poursuivre le secours de nuit sous la pluie.
Le brancardage de la civière sous terre débute à 18H10.
18 spéléos SSSI se rendent à la Molière en voiture, un héliportage facilite l’accès au gouffre pour 12 d’entre eux.
Différents scénarios pour le transport du blessé en surface sont envisagés car l’héliportage n’est pas possible de nuit, les moyens disponibles sont un Quad du SDIS et des 4X4 SDIS et CRS. Le SDIS prend en charge.
21H50. Après le passage en brancard de la partie la plus difficile, la victime est en assez bon état pour poursuivre la progression par elle-même avec assistance, cela permet de gagner plusieurs heures d’évacuations. 0H25 le blessé sort du gouffre, son état et sa bonne condition physique lui permettent de faire la marche nécessaire sans brancardage pour atteindre la piste forestière où l’attend un 4X4. 2H02. Le blessé est à la Molière. 3H00. Les dernières équipes sont à la Molière, range leur matériel et rentrent.
Le SDIS s’occupe de gérer le rapatriement du matériel qui est resté à l’entrée du gouffre dans la journée du 26.
NOTE TECHNIQUE
La cavité :
Le Gouffre Berger est la cavité la plus connue du département, elle est très fréquenté l’été par de nombreux spéléologues européens en raison de sa beauté, sa profondeur, et son historique : premier gouffre à dépasser 1000m de profondeur.
Les principales difficultés de ce gouffre sont l’engagement dû à la profondeur et les risques de crues.
L’accès :
L’accès depuis Grenoble demande environ 1H15 de voiture et 1H de marche.
Sous terre, un aller-retour à è700 mètres demande environ 12 H de progression pour un spéléologue bien entraîné.
Un aller-retour à è200 mètres demande environ 2H30 de progression.
Les circonstances de l’accident:
Le groupe de spéléologue Belge est descendu dans le Gouffre Berger les 21 et 23 juillet pour l’équiper de cordes jusqu’au fond (-1122 mètres)
Le 25 juillet à 11H30 un groupe de 4 spéléologues expérimentés descend dans le gouffre pour aller au fond.
À environ 18H, l’un d’eux glisse dans un ressaut de 1,5 mètre et ressent une vive douleur à l’épaule, une luxation de l’épaule, le groupe analyse la situation, et décide d’envoyer un collègue, le plus rapide, donner l’alerte. Le reste du groupe organise un auto-secours pour remonter la victime le plus haut possible vers la sortie, il y a deux objectifs :
– Ne pas rester dans la zone dangereuse en cas de crue, des orages sont prévus pour lundi.
– Faciliter le secours.
Le spéléo parti donner l’alerte arrive au gîte du groupe spéléo Belge vers 2H du matin, le groupe se prépare à intervenir, une équipe de 2 part vers 3H15, une équipe de 3 part vers 5H30.
Le matin, il prend connaissance de la situation. La victime est à è200 elle ne pourra pas remonter seule, un médecin est nécessaire. Il appelle le Spéléo-Secours-Français pour demander de l’aide vers 8H45.
Les secours n’ont pas été déclenchés tout de suite par soucis de ne pas les faire intervenir inutilement, c’est assez fréquent, beaucoup de spéléologues sont conscients de l’importance des moyens mis en oeuvre pour le moindre secours souterrain et des délais d’interventions, ils préfèrent souvent faire de l’auto-secours.
Il planait également ses dernières années, le risque d’avoir à payer les frais du secours.
Cependant, le non-déclenchement d’un secours n’est pas toujours souhaitable car cela peut aggraver les blessures et les conséquences peuvent coûter finalement plus cher que l’intervention elle-même.
Les secours étant à présent de nouveau « gratuits » les cas de non-déclenchement devraient être plus rare.
Déroulement prévisible du secours :
Deux hypothèses peuvent être envisagées :
1) Le médecin arrive au blessé, le médicalise, remet en place l’épaule, et le blessé peut ressortir par ses propres moyens avec assistance.
2) Le médecin arrive au blessé, mais son état ne lui permet pas de ressortir, il faut le brancarder.
La première hypothèse semble la plus probable car le blessé est remonté de è700 à è200, elle demande l’intervention d’une dizaine de sauveteurs, ce qui est réalisable essentiellement par des corps constitués.
La deuxième hypothèse demande 20 sauveteurs de plus, essentiellement des bénévoles.
Il est décidé d’engager peu de sauveteurs sur le début du secours, en mettant des bénévoles de la SSSI en pré-alerte au cas où le secours devrait monter en puissance dans la phase d’évacuation. Le médecin décidera de la tactique à suivre.
La mise en application du nouveau plan de secours, retour d’expérience :
Le choix du lieu du PC, l’intendance :
Un PCO a été installé par le SDIS en accord avec le CTDS sur le parking supérieur de la Molière (PC Molière), avec notamment un vehicule PC de taille moyenne et une tente gonflable, l’intendance nourriture a été gérée par le COS, les moyens engagés correspondait parfaitement au besoin de l’intervention.
NOTE IMPORTANTE : Après ce secours, et à la suite de l’expérience des autres secours au gouffre Berger, le Berger de la Molière nous propose un autre lieu pour établir le PC en cas de nouveau secours au Berger.
Le lieu envisagé est à l’extrémité de la plaine de la Molière.
Ce lieu semble être plus avantageux que le parking supérieur de la Molière, il réduit la marche d’approche et permet un filtrage de l’accès au PC sans perturber l’accès du public au gîte de la Molière.
Ce nouveau lieu sera choisi pour le prochain secours.
Communications :
ADRASEC 38 :
Nous avons demandé l’intervention de l’Adrasec38 pour sécuriser la liaison radio entre PC Molière et l’entrée du gouffre, en effet cette liaison est délicate à établir par des moyens traditionnels, et les relais Sécurité Dauphiné ont une autonomie limitée.
Les moyens de l’Adrasec38 ont été utilisés en soirée car ils étaient les plus performants.
L’Adrasec38 a également participé aux communications souterraines par des Nicola en surface.
Il a été rappelé que les messages radio concernant le secours doivent être validés par un responsable du secours avant d’être diffusé par des moyens radio qui ne sont pas sécurisés.
Une question s’est posé durant le secours : peut-on communiquer le nom des sauveteurs par radio ?
Cette communication est indispensable à la bonne gestion du secours, seules les informations sensibles doivent rester confidentielles, en particulier par rapports aux médias, la diffusion de ces informations relève de la compétence de la préfecture.
SDIS :
À 12H30, Laurent Minelli, CTDS en charge de la gestion du secours, demande le N° de GSM du PC Molière. Le CODIS refuse de communiquer ce N°.
À la Molière, les moyens de communication du SDIS sont mis à disposition du CTDS conformément au plan de secours.
Hélicoptère :
À 17H30, nous apprenons que la victime de la grotte Favot est sortie et attend l’héliportage.
Nous demandons si l’hélico est disponible après Favot pour faire des rotations de sauveteurs entre le PC Molière et l’entrée du gouffre Berger.
17H50 L’hélico est prévu à 18H15
18H15 L’héliportage est délicat à Favot, l’hélico aura du retard.
19H05 Réponse à une demande de nouvelle de l’hélico : pas de communication radio possible avec l’hélico.
19H09 L’hélico est à la Molière, nous faisons un point avec le pilote sur les besoins.
19H17 à 19H46 Héliportage de 14 sauveteurs à l’entrée du gouffre.
Il s’avère que l’hélicoptère était en attente au Versoud pendant que nous l’attendions à la Molière.
Les problèmes de communications avec l’hélicoptère sont fréquents en secours spéléo, ils ont plusieurs origines :
– Intermédiaires trop nombreux entre COS/CTDS et hélico
– L’hélico ne peut pas être contacté durant les opérations techniques de pilotage.
– Manque d’habitude des interlocuteurs
– Connaissances nécessaires pour intégrer les contraintes spécifiques de l’hélicoptère, capacités de treuillage, aérologie, localisation des lieux en montagne, temps d’intervention et d’escales techniques, disponibilité des machines, etc.
Une bonne communication est nécessaire pour profiter de l’intérêt principal de l’hélicoptère : La rapidité d’intervention.
Les personnes qui ont les compétences techniques et qui pratiquent quotidiennement les communications avec les hélicoptères sont les intervenants de la permanence secours en montagne.
Pour cela, nous proposons que l’interlocuteur privilégié de l’hélicoptère soit une personne du secours en montagne, et que cette personne soit présente au PCO sous l’autorité du COS.
Relation entre intervenants :
Le Secours en Montagne a appliqué strictement le plan de secours pour être en conformité avec les conclusions du dernier secours spéléo. Il n’a pas pris les initiatives qui font habituellement gagner du temps sur le démarrage du secours.
Par la suite, et sur le terrain, les relations entre les différents intervenants ont été excellentes.
L’opération de secours s’est terminée par une discussion informelle au PC Molière entre les représentants des intervenants. Tous ont reconnus le bon déroulement de l’opération, mais ont exprimé également le souhait que des améliorations soient faites pour accélérer le départ de la première équipe d’intervention en privilégiant l’intervention de la permanence secours en montagne.
Les difficultés techniques :
Pas de difficultés techniques particulières, de nombreux secours ont déjà eu lieu dans le Gouffre Berger.
BILAN
Tout d’abord, quelques nouvelles de la victime.
Elle n’a toujours pas retrouvé l’usage de son bras, est suivi médicalement, mais l’évolution de son état est incertaine.
Les conséquences médicales sont dues au temps d’intervention inévitablement long lorsque l’on se blesse à 700m de profondeur au gouffre Berger. Une luxation d’épaule demande une intervention rapide pour limiter le traumatisme des nerfs.
Après le secours du « Pot 2 », les deux secours « Berger» et « Favot » sont les tous premiers à appliquer le nouveau plan de secours, et la nouvelle convention.
Ces deux derniers secours sont particulièrement intéressants car ils sont très représentatifs des secours que l’on rencontre habituellement.
Gouffre berger : Application stricte du plan de secours sans gestion du début de l’alerte par la permanence secours en montagne.
Grotte Favot : Application du plan de secours en anticipant le déclenchement « administratif » du plan de secours, avec gestion de l’alerte par la structure immédiatement disponible établie pour le secours du Berger, COS et CTDS sur le même lieu.
Pour la grotte Favot, les secouristes n’ont pas pu êtres hélitreuillés à l’entrée, ils ont été déposés sur la route des gorges, et se sont rendus à l’entrée de la grotte en véhicule, puis à pied. Le temps d’intervention aurait pu être raccourci si la gestion de l’alerte avait été faite par le secours en montagne, les problèmes spécifiques du treuillage délicat de la grotte Favot auraient été intégrés dans le choix de l’hélicoptère d’intervention.