Le scénario initial
Le vendredi 28/6 à 21h00, 3 spéléologues partis explorer le gouffre Berger ne sont pas ressortis à l’heure prévue mais le retard n’est pas suffisamment significatif pour le déclenchement d’une opération (ils sont partis à 6h pour aller faire le fond). Les équipes de sauvetage sont mises en préalerte.
Vers 4h00 le 29/6, un équipier de la victime sort et donne l’alerte, la victime a une blessure à l’épaule avec une déformation, elle est très fatiguée et attend à l’entrée des Couffinades en venant du fond vers -640. Il est précisé qu’elle ne peut marcher.
Les équipe de secours en préalerte depuis la veille se dirigent vers le PC.
La victime est tout d’abord brancardée puis retrouve une autonome relative et nécessite enfin une évacuation en civière à partir de la cascade du Petit Général.
Un sauveteur se blesse à -140 vers 15h, il est dans le coma (traumatisme crânien). Il est évacué lourdement médicalisé.
Le déroulement de l’exercice
Le 28 juin vers 21h00, le CODIS 38 reçoit un appel d’une personne signalant le retard de son père parti visiter le fond du gouffre Berger avec 2 amis. Le CODIS contacte immédiatement les conseillers techniques en spéléologie par SMS. En conférence, il est convenu qu’il n’y a pas de retard et que l’on réexaminera la situation vers 6h00 le lendemain matin.
Le 29 juin à 3h58, le CODIS 38 reçoit un appel d’un spéléologue signalant un accident survenu à -700 au gouffre Berger. Un de ses équipiers a glissé puis chuté, il a une grosse déformation à l’épaule, des nausées et est très fatigué. Ses 2 accompagnants ont réussi à l’extraire du bas de la cascade pour le déposer au sommet moins exposé à l’humidité. Une personne est restée avec lui.
Le CODIS 38 contacte immédiatement le CTDS par téléphone et une conférence est mise en place entre le CODIS, l’OSAD et le SAMU. Aucun SMS n’est envoyé au CT. Il est alors décidé :
1. Envoi urgent d’une équipe médicale assistée d’une forte équipe de sauveteurs ;
2. Mobilisation des sauveteurs du 38 (USEM, GRIMP, 3SI) et de l’ADRASEC ;
3. Mobilisation de spéléologues extérieurs au département compte-tenu de la profondeur à laquelle est survenue l’accident.
4. Le PCO est fixé à Autrans au centre nordique.
Habituellement, le PCO est installé au parking de la Molière. Ce site convient pour les interventions de courte durée mais comporte de nombreux inconvénients :
- manque de confort (absence d’eau, d’électricité et de toilettes) ;
- manque de réseau de communication (internet, téléphone mobile).
Compte tenu de la durée approximative de l’exercice, les CT ont souhaité testé un PC en dur dans un bâtiment mis à disposition par la collectivité locale.
4 conseillers techniques ont participé à l’exercice, 3 au PCO (Tristan GODET, Guillaume SECHAUD et Thierry LARRIBE) et 1 au PCA (Lionel REVIL). Un conseiller technique GRIMP a été présent sur les lieux en permanence.
99 sauveteurs ont participé à l’exercice. Le tableau suivant retrace la montée en puissance progressive du dispositif :
8h00 | 10h15 | 11h30 | 14h00 | 16h00 | 18h30 | |
Actifs en surface | 13 | 17 | 22 | 24 | 26 | 27 |
En approche ou de retour de la cavité | 7 | 0 | 25 | 8 | 0 | 4 |
Engagés sous terre | 14 | 39 | 38 | 64 | 71 | 71 |
En attente d’une mission | 19 | 28 | 16 | 7 | 7 | |
En repos | 4 | |||||
Total des présents | 53 | 84 | 101 | 103 | 104 | 106 |
Les sauveteurs engagés tant sous terre qu’en surface, viennent de tous horizons :
Nombre d’inscrits | Nombre de présents | |
GRIMP | 8 | 8 |
CRS ALPES | 7 | 6 |
PGHM / GSGN | 5 | 5 |
SAMU | 6 | 5 |
3SI | 49 | 44 |
SSF 01 | 1 | 1 |
SSF 07 | 1 | 1 |
SSF 26 | 6 | 5 |
SSF 69 | 20 | 16 |
SSF 73 | 7 | 5 |
SSF 74 | 4 | 2 |
Total | 114 | 98 |
Les 5 rotations successives de l’hélicoptère de la sécurité civile ont rendu possible l’acheminement de 24 sauveteurs soit près du tiers de ceux engagés sous terre. Ces héliportages ont permis de gagner un temps précieux dans la première phase de l’exercice. L’objectif de faire rentrer la première équipe avant 8h00 a ainsi pu être atteint.
Les spéléologues sont venus avec leurs véhicules personnels jusqu’au PCO et des navettes opérées par le SDIS ont assuré leur transport du PCO au parking de la Molière. Un véhicule de la CRS a participé au retour des sauveteurs le dimanche matin.
La demande de secours a lieu à 4h du matin pour une victime à -700m, avec suspicion de luxation d’épaule et d’épuisement. Le SAMU confirme la médicalisation. L’équipe médicale en pré-alerte depuis la veille au soir se rend au SAMU pour préparer la dotation. L’équipe choisit d’emporter une dotation légère en première intention, et prévoit d’emblée un renfort par une seconde équipe à la mi-journée car la profondeur est importante et la zone aquatique.
Dragon-38 vient chercher l’équipe médicale sur la DZ du CHUGA accompagné d’un secouriste professionnel des USEM comme le prévoit le plan de secours. Une halte est effectuée à la CRS pour prendre du matériel et des sauveteurs du GRIMP. Là, il est demandé au gendarme du PGHM présent dans l’appareil de descendre. Delà, 2 déposes directes sont effectuée à l’entrée de la cavité. L’équipe médicale entre sous terre vers 7h30.
Le premier bilan médical remonté à 11h42 : luxation d’épaule, réduction après analgo-sédation. Nécessité de brancardage en civière. Les constantes sont stables.
L’évacuation de la victime 1
-
1er secteur : les Couffinades
Il s’agit d’une portion de rivière souterraine sans cascade longue de 300 m. La progression classique s’effectue au dessus de l’eau à l’aide de main courantes athlétiques En configuration classique, l’évacuation est effectuée par une grosse vingtaine de spéléologues qui se passent la civière de mains en mains en prenant soin qu’elle ne chute pas dans l’eau. Chaque sauveteur qui vient de faire passer la civière sur lui, double la colonne pour se positionner devant. En générale, pour se faire, il doit nager dans de l’eau à 8°. Ce type d’évacuation prend 2 à 3 heures.
Pour l’exercice, nous avons testé un dispositif léger qui permet à la civière de flotter. Il a été mis au point par la 3SI et a dèjà été testé à la grotte de Gournier en décembre 2016 et à la grotte du Frochet en 2017. Sa mise en œuvre est simple et permet d’éviter de porter le brancard. Il existe alors 2 contraintes liées au caractère aquatique du terrain : la sécurisation par des plongeurs et l’équipement de la victime d’une bouteille d’air comprimé et d’un détendeur.
L’évacuation débute à 15h10 et dure 10 minutes sur la portion aquatique. La progression est rapide, la côte -600 (Vestiaire) est atteinte à 16h15.
-
2ème secteur : du Vestiaire au Balcon
Il s’agit d’une galerie comportant des obstacles verticaux de moyenne ampleur (15 m au maximum) et des parties déclives. La progression de la civière peut être très physique pour les spéléologues engagés sur ce secteur. L’effectif normal est de 20 sauveteurs. Assez rapidement les équipes des secteurs 1 et 2 se rendent compte que chacune d’elles, n’a pas emporté de quoi équiper 2 obstacles (un puits et une vire) au niveau de leur jonction. En concertation, les 2 responsables de secteur ont réadapté leur dispositif pris chacun un équipement à leur charge. Cet oubli s’explique par le départ précipité en hélicoptère et l’absence de communication établie entre le PCO et les sauveteurs héliportées en attente au PCA. Cette situation n’a pas permis de fixer les limites de la mission des 2 premières équipes. Par ailleurs, le sous dimensionnement des équipes (24 personnes au lieu des 40 nécessaires) n’a pas permis d’emporter du matériel supplémentaire. Le réajustement du dispositif s’est donc opéré à matériel constant.
-
3ème secteur : du Balcon au sommet du puits Aldo (-200)
Il s’agit d’un parcours dans une vaste galerie entrecoupée de grands éboulis très pénibles pour ceux qui portent la civière, au point d’effectuer régulièrement du brancardage statique lors duquel les sauveteurs se calent sur des blocs et font passer le brancard de mains en mains. A partir de – 400, des cascades agrémentent le parcours. À -300, un lac temporaire peut barrer le passage et nécessite soit un parcours en vire très athlétique avec un brancard, soit l’utilisation de la Kiflott sécurisée par des plongeurs. En fin, à partir de -240, le parcours emprunte un puits de 44 m : le puits Aldo.
Une fois au sommet du Balcon, le médecin constate une amélioration de l’état clinique de la victime 1 permettant d’envisager une remontée assistée. Cela signifie la fin totale ou partielle du brancardage
Dans la zone des -400, la victime, fatiguée, se tord (fictivement) la cheville lors de la remontée dans les blocs. Cela nécessite une nouvelle intervention de l’équipe médicale pour un bilan et une analgésie. Il est alors convenu de terminer l’évacuation en civière. La victime et l’équipe qui l’accompagne arrive au pied de la zone des puits (-250) à 19h49. Après une pause de 2 heures, qui a permis aux sauveteurs de doubler en nombre la victime et de se positionner au dessus, la civière repart.
-
4ème secteur : du sommet du puits Aldo au bas du puits Garby
Ce secteur se caractérise par de nombreuses verticales entre lesquelles se trouvent 2 méandres dont un court très technique et un long sinueux et étroit.
À 22h57, la victime remonte le puits Gontard dans le brancard. À son sommet, elle enchaîne le méandre avec des passages étroits qu’elle franchît sur la tranche.
L’évacuation est stoppée à -140m, au pied du puits Garby, du fait d’un manque de sauveteurs (annulation de dernière minutes d’une vingtaine de personnes) et de l’état de fatigue de ceux présents sur site depuis la veille très tôt. Il a été choisi de ne pas prendre le risque de sur-accident.
Évacuation victime 2 -140
Seuls la future victime et son accompagnant étaient informés du sur-accident. Une seule bouteille d’O² avait été pré-positionnée au PCO. Le besoin en O² n’avait pas été mentionné dans le scénario.
-
aspects médicaux :
Il s’agit d’un sur-accident chez l’un des sauveteurs, au bas du puits de Garby (-140m), victime d’un traumatisme crânien par chute de sac dans le puits. Un infirmier faisant partie de l’équipe fait cesser les travaux en amont par un grand cri et des coups de sifflet. Un secouriste professionnel de l’équipe l’aide également à conditionner le blessé dans un point chaud puis remonte rapidement un premier bilan à la surface. Il s’agit d’un traumatisme crânien grave avec troubles de la conscience rapidement évolutif. La présence d’un infirmier dans l’équipe de sauveteur concernée a permis de suivre régulièrement l’état de la victime par des bilans clairs, précis et répétés jusqu’à l’arrivée de l’équipe médicale.
L’équipe médicale initialement prévue en renfort de la première équipe allait partir du PC, elle a donc été redirigée à -140, avec le matériel de la dotation lourde. Le PCO demande au COS une mise à disposition importante de bouteille d’oxygène (au moins 5). Le COS organise très rapidement la mise à disposition de 4 obus de 5l depuis les casernes voisine et fait monter 2 autres bouteilles depuis l’agglomération (opération stoppée pour l’exercice, il ne s’agissait pas de gaspiller les ressources). A la demande au SAMU, il y avait également 5 obus disponibles qui auraient pu nous être acheminé par hélicoptère dans le cadre d’un secours réel.
L’équipe médicale entre sous terre à 18h34 et fait remonter le premier bilan à 20h07.
Le matériel médical est déballé sur les couvertures de survie prévues à cet effet. L’état clinique de la victime (traumatisme crânien grave avec troubles de conscience et vomissements ; traumatisme abdomino-pelvien associé) peut être qualifié de grave.
Les besoins en oxygène sont évalués au PC d’une part et par l’équipe médicale. Pour anticiper les relais de bouteilles lors de l’évacuation, certaines ont été positionnés sur le trajet toutes les heures.
Le respirateur n’étant pas le plus petit modèle habituellement utilisé en montagne, il prend beaucoup de place dans le sac jaune placé sur l’abdomen de la victime, empêchant ainsi une surveillance aisée du scope. La surveillance durant l’évacuation est difficile mais des phases d’arrêt et d’évaluations avaient été prévues et effectuées régulièrement. Plusieurs déconnexions de tuyaux ont eu lieu durant l’évacuation, nous n’avons pas de retour sur la gestion de ces événements malheureusement.
Le scénario envisageait l’emploi d’explosif pour 2 passages étroits ponctuels du méandre. Il est maintenant démontré qu’en cas de victime lourdement médicalisée dans le gouffre Berger, ces étroitures devraient être élargies. Pour l’exercice, le sac contenant le respirateur et la bouteille d’oxygène ont étés retirés pour ces deux passages.
L’évacuation débute à 22h43 et se termine à 3h24 par la sortie du gouffre. L’exercice est alors arrêté, le brancardage extérieur n’est pas retenu (fatigue des sauveteurs, peu d’intérêt, et disposition de l’hélicoptère probable dans un réel). Le PCO était en contact avec le CODIS 38, le SAMU 38 et l’USEM de permanence pour calibrer l’évacuation adéquate, tout était organisé comme en réel.
Points positifs :
- le travail en totale confiance entre le COS et les CT ;
- le PC en dur installé sur Autrans a présenté de nombreux avantages ;
- le transport en hélicoptère a permis de gagner un temps précieux ;
- l’excellente collaboration entre les différents intervenants tant associatifs que professionnels du secours ;
- la dynamique de renforts régionaux spéléo s’appuyant sur le Rhône et permettant de ne pas dégarnir les départements à risque ;
- un très bon niveau technique des sauveteurs reconnu par tous les chefs d’équipe ou de secteur à mettre en lien avec l’effort de formation de la 3SI ;
- très bon niveau des sauveteurs affectés à des travaux de gestion en surface ;
- le délai d’acheminement des bouteilles d’O² par le SDIS 38 ;
- le délai de mise à disposition des mêmes bouteilles par le SAMU 38 ;
- le délai de livraison des explosifs, conforme aux engagement du dépositaire ;
- excellente gestion de l’eau par le SDIS 38 pour la marche d’approche (1h00) en période de canicule ;
- les tests de matériel ont été très concluant (poulie et kiflott) ;
- le déploiement sans précédent d’appareil de transmission par le sol (5) en exercice ou en secours a permis une bonne information du PC ;
- excellente qualité des transmissions établies par l’ADRASEC ;
- les navettes mises en place par le SDIS ont permis d’assurer la sécurité et le confort des sauveteurs.