Pathologie induite par le harnais

synthèse d’un article du docteur Jean BARIOD et de Bruno THERY paru dans la revue fédérale SPELUNCA n°55 de 1994.
En 1979, dès sa création, la commission médicale de la Fédération française de spéléologie (FFS) s’intéresse à 15 décès inexpliqués de spéléologues sur corde. Les recherches bibliographiques permettent de trouver une étude du dr AMPHOUX (1978) décrivant une série de tests de suspension en harnais dans le cadre de recherches sur la prévention des chutes dans les travaux du bâtiment. Ces essais mettent en évidence des perturbations physiologiques inquiétantes entrainant l’arrêt des tests. Les médecins fédéraux collaborent donc avec le dr AMPHOUX pour reprendre l’étude sur ces phénomènes.
Une première série d’essais a lieu en 1984 au CREPS de Chalain : deux spéléologues suspendus sans qu’ils bougent, perdent connaissances en 7 et 30 minutes. L’état des sujets nécessite une courte réanimation, les essais sont donc suspendus.
Pour la première fois , il est donc mis en évidence que la suspension inerte dans un harnais peut à elle seule, entrainer des troubles physiopathologiques graves.
En 1986, Une deuxième série de tests est lancée en milieu hospitalier. Malgré l’ampleur des moyens déployés, il n’est toujours pas possible de donner une explication claire au phénomène observé. Une campagne d’information et de prévention est donc lancée en direction des spéléologues.
Ce qui est acquis :
Pour un spéléologue lambda, rester en suspension dans son baudrier ne pose aucun problème particulier hormis quelques douleur de compression au niveau des sangles. En effet , en situation normale notre organisme modifie en permanence ses points d’appui. Si le corps du sujet reste inerte, apparaissent rapidement des lésions cutanées (escarres), des problèmes de retour veineux et pour finir, des troubles cardio-circulatoire.
Dans quel cas le spéléologue est-il inerte sur corde :
– traumatisme crânien par chute de pierres dans un puits ou par choc lors d’un pendule (rupture d’amarrage par exemple).
– accident médical au cours de la remontée (syncope, trouble du rythme cardiaque)
– état d’épuisement sur corde. Il peut alors survenir très rapidement une incapacité physique totale à continuer la progression sur corde. Cette fatigue peut empêcher toute tentative de passage sur descendeur. La situation se dégrade très vite avec inhibition motrice et troubles psychologiques (panique) suivie rapidement d’une perte de connaissance avec du basculement du corps en arrière. Dans quelques cas, le décès semble rapide.

Les manifestations cliniques observées chez les sujets d’étude sont identiques
– sensation de malaise général,
– sueurs,
– nausées,
– vertiges,
– bouffées de chaleur,
– sensation d’oppression thoracique,
– augmentation du rythme cardiaque,
– arythmie,
– hausse de la tension artérielle,
– perte de connaissance.
Le malaise grave survient rapidement (entre 3,5 et 30 minutes)

L’évolution vers la mort semble inévitable.

Un spéléologue inerte sur corde doit donc être décroché rapidement, c’est une urgence vitale.

Afin d’éviter d’en arriver là, il convient de respecter quelques règles :
– Choisir un un baudrier adapté à sa morphologie, il n’existe pas de modèle universel.
– pas de baudrier bricolé inadapté au corps et à la technique spéléologique; réglage soigneux.
– Pas de remontée seul dans un puits, sans coéquipier capable d’intervenir.
– Pas de remontée de grands puits en situation d’épuisement : au préalable, se réchauffer et manger (sucres rapides).
– Connaissance parfaite des techniques de réchappe par tous. Aucune technique de secourisme ne peut être proposée sur corde. La victime doit être amenée au sol après décrochement, il convient donc que chacun s’entraine régulièrement à porter secours à un équipier inerte sur corde.