Scialet du Pot 2 – 18 et 19 juin 2005

Alain MAURICE, Conseiller Technique départemental
Eric SANSON, Conseiller Technique Adjoint
Thierry LARRIBE, Conseiller Technique Adjoint

DEROULEMENT DE L’OPERATION compte rendu succinct

Le samedi 18 juin 2005, un groupe de 5 spéléologues (1 parisien et 4 savoyards) monte à l’entrée du scialet « POT 2» (gouffre Pot 2) situé sur la commune de ST ANDEOL. Deux d’entre eux resteront en surface pour prospecter à la recherche de nouvelles entrées pendant que les trois autres équiperont le gouffre avec des cordes pour le visiter. Ce gouffre est constitué d’un unique grand puits de 319 mètres de profondeur, la plus grande verticale française, c’est là tout son attrait.
À 15h45, celui qui suit le spéléologue de tête entend un cri et un bruit de chute, il l’appelle, mais n’obtient aucune réponse, il ne peut rejoindre la victime faute de corde suffisamment longue, et par crainte d’utiliser la corde de la victime qui vient de subir un choc important. Un membre de l’équipe descend donner l’alerte à pied, les autres montent sur la crête du Vercors pour un atteindre un réseau de téléphone portable.

L’alerte arrive rapidement à un spéléologue isérois qui la répercute sans délai sur les conseillers techniques et sur la permanence montagne. Le CODIS est informé rapidement.

Ce même jour, à quelques kilomètres de là, le Spéléo Secours Isère organise un exercice de sauvetage où sont présents : CRS, pompiers et spéléologues civils (30 personnes en tout), l’exercice vient de prendre fin, certains sont sur le chemin du retour, d’autres sont encore dans les parages. Dès que ses derniers apprennent la nouvelle, ils se dirigent sur Corrençon, site le plus approprié pour installer le PC et sur Herbouilly (grande prairie) propice pour l’hélitreuillage des sauveteurs.

Le PC est dans un premier temps installé sur le parking de la station de ski du Clos de la Balme (CORRENCON), puis déménagé à la nuit dans les locaux mis à disposition par la Mairie.

Compte tenu des difficultés d’accès, 2h45 de marche, les sauveteurs sont treuillés à proximité de la cavité par DRAGON.
Une douzaine de sauveteurs (de toutes origines) sont ainsi acheminés.

Vers 21h30, le pilote annonce qu’il ne peut plus transporter de sauveteurs et qu’il rentre à sa base. Les équipes prêtes à partir restent au PC en attendant la décision d’une caravane pédestre nocturne.

Après l’intervention des OPJ, l’évacuation commence vers 1h30 pour se terminer à 4h00.

Au matin, l’hélicoptère reprend ses rotations pour descendre les sauveteurs (Corrençon) ainsi que la victime (St Andéol) et il transporte sur site 4 spéléologues et 2 CRS pour le déséquipement de la cavité.

Cette opération est terminée à 11h40, l’hélicoptère qui devait alors prendre en charge ces sauveteurs est détourné vers d’autres sauvetages.

À 15h00, il est décidé que ces personnes laisseront le matériel à l’entrée du gouffre et qu’elles descendront à pied jusqu’à la plaine de Darbounouse ou 2 véhicules tout terrain du SDIS les prendront en charge.

À 17h10, le groupe arrive au PC .

Le lundi 20 juin, les CRS récupèrent le matériel restant au bord du gouffre.

– NOTE TECHNIQUE

La cavité :
Le scialet POT 2 (-319m) est un gouffre unique dans les alpes car il possède un puits de 300 m. À la base de cette verticale, aucune suite.
Les principales difficultés de ce gouffre sont liées à sa verticalité, peu d’endroits permettant de prendre pied pour se croiser ou pour se soulager de la position inconfortable d’être suspendu dans un baudrier.

L’accès :
Soit par la vallée du Drac, soit par les hauts plateaux du Vercors, quel que soit le point de départ, il faut 2h00 à 3h00 de marche d’approche, sur un terrain hostile (lapiaz couvert ou nu).

Les circonstances :
Dans la matinée du 18/06 l’équipe passe en voiture devant le scialet du Trisou, dans lequel le Spéléo Secours Isère organise un exercice de sauvetage.
Le groupe composé de 5 personnes, finit l’approche à pied.
À 14h00, la victime, s’engage dans la cavité, un quart d’heure plus tard une seconde personne le suit.
À 15h45, le premier, qui équipe la cavité, descend le long de la corde et perd le contrôle de sa vitesse à la côte è130 environ. Il fait une chute le long de la corde sur environ 150 m. La personne qui le suit entend un cri et le bruit d’un impact. Elle ne peut le rejoindre car elle n’a pas suffisamment de corde et n’ose pas utiliser la corde de la victime qui vient de subir un choc violent en interceptant une chute de 150 mètres. Elle appelle la victime sans obtenir de réponse.
À 16h00, le groupe est dehors et essaie de donner l’alerte, ce qui est fait à 16h30.

La mise en application du nouveau plan de secours:
Immédiatement prévenues, les personnes présentes encore sur les lieux de l’exercice se rendent pour les uns sur la plaine d’Herbouilly pour un hélitreuillage, pour les autres à Corrençon pour installer un PC.
Le CT spéléo est avisé rapidement ainsi que le CODIS, le SAMU et la permanence de secours en montagne.
Le nouveau plan de secours trouve à s’appliquer pour la première fois.

Le choix du lieu du PC:
Dans un premier temps, un véhicule PC a été envoyé à St Andéol.
Il s’est vite avéré que le PC devait être installé à Corrençon (facilité d’accès depuis Grenoble, parking et DZ )
Le PC est dans un premier temps installé au parking de la station du Clos de la Balme. La Mairie de Corrençon a ouvert ses locaux par la suite.
Les élus et les employés municipaux se sont mis à disposition du PC jusqu’à tard dans la nuit.

Communications:
Comptes tenus de cette opération courte et de faible importance, nous n’avons pas fait appel à l’ADRASEC 38 pour doubler les communications radios. Les communications qui sont souvent un point délicat ont été très bien gérées par les équipes du secours en montagne.

La gestion de l’hélicoptère:
Compte tenu de l’éloignement du gouffre, le transport des sauveteurs par hélicoptère était nécessaire.
L’équipage de garde effectuait sa première opération de sauvetage avec ce nouvel appareil, il lui a fallu treuiller un nombre important de sauveteurs dans des conditions difficiles.
Les rotations d’hélicoptère ont été gérées sans passer par le COS et le CTDS. C’est un gain d’efficacité pour le début du secours, mais les rotations suivantes ne correspondaient pas aux priorités validées au PC. Tous les sauveteurs nécessaires au bon déroulement de l’opération n’ont pu être transportés sur place le samedi soir en raison de la nuit. Aucun autre appareil n’a pu être engagé sur cette mission (l’hélicoptère du SDIS était pourtant disponible).
Les spéléologues prévus pour renforcer l’équipe pendant la nuit aurait permis de déséquiper la cavité avant le matin. Ils auraient été de retour au PC vers 8h00 avec les autres sauveteurs. Au lieu de cela, ils ont été engagés à 8h00 le dimanche et n’ont pu être récupérés en fin de matinée, l’hélicoptère étant indisponible, ils ont dus revenir au PC en partie à pied et en véhicule tout terrain. Le temps perdu est estimé à 9h00.
Points à discuter pour améliorer l’efficacité : Localisation des gouffres par GPS, nouvelles procédures de treuillage, conditionnement de la civière spéléo pour le treuillage.

Relations entre services:
Les relations entre les officiers sapeurs pompiers (COS) et les CT ont été excellentes.

Les difficultés techniques:
L’évacuation du corps était à la fois simple et très technique :
– Simple car les puits sont les endroits ou le transport d’une civière est le plus facile.
– Très technique car la verticale de 300m d’un seul jet était très inconfortable pour les sauveteurs qui ont dû rester suspendus à leurs baudriers de longues heures.
– Les chutes de pierres sont des dangers potentiels dans un tel puits (rupture de corde et blessures de sauveteurs).

Deux options pour évacuer la civière
– Les techniques classiques d’évacuation de civières spéléos.
– L’engagement d’un treuil proposé par un officier de la CRS et un officier sapeur pompier.

L’utilisation du treuil nécessite moins d’intervenants sous terre, mais plus de matériel à l’extérieur. Cette technique qui n’est pas transposable dans toutes les cavités demande l’emploi délicat d’un groupe électrogène (émanation de gaz d’échappement qui peut intoxiquer les sauveteurs), et une bonne coordination entre surface et milieu souterrain.
L’évacuation avec cette technique c’est bien passé.

Causes de l’accident:
Une enquête est en cours par la gendarmerie, elle permettra d’établir les hypothèses les plus probables.

À ce jour, et aux vues des quelques témoignages dont nous avons eu l’écho, nous pouvons proposer deux scénari :

1) La victime a laissée échapper la corde de descente (possible, mais peu probable, la victime était très expérimentée)

2) Un phénomène rare et peu connu s’est produit, le retournement du descendeur. (probable)

Le retournement du descendeur spéléo peut se produire dans des conditions particulières, il faut, en cours de descente, tirer suffisamment fort sur la corde aval pour faire basculer le haut du descendeur vers le bas, dans ces conditions le descendeur freine beaucoup moins et peu conduire à une chute rapide.
Dans le cas présent, une dizaine de petits détails concordants augmentent la probabilité de cette hypothèse, et aggravent les conséquences de ce phénomène rarissime.

Bilan:
Cette opération de secours s’est globalement bien passée, il faut souligner que nous mettons pour la première fois en application le nouveau plan de secours, la nouvelle convention SDIS, et l’utilisation du nouvel hélicoptère de la sécurité civile. De plus, il s’agit d’une opération particulière car les décès sont relativement rares dans les secours spéléo et c’est la première fois que le PGHM intervient en tant qu’OPJ dans un vrai secours spéléo sur l’Isère. C’est en affinant le rôle de chacun que nous gagnerons tous en efficacité.

Les conseillers techniques remercient l’ensemble des services qui ont concouru au bon déroulement de l’opération.