Gouffre de la piste de l’Aigle – 18 et 19 janvier 2004

France ROCOURT, Conseiller technique adjoint
Eric SANSON, Conseiller technique adjoint
Thierry LARRIBE, Conseiller technique adjoint

NOTE TECHNIQUE

Sur la cavité :

Le gouffre se situe sur la commune de Trévignin
X 883,95
Y 83,15
Z 1400
L’accès se fait (après 1 km de route) à l’aide de raquettes, d’abord en progression horizontale puis à la descente vers le gouffre .La marche d’approche dure 20 minutes
Le PC est installé à l’office du tourisme de la station de ski du Revard. Le jour de l’accident, les conditions météorologiques sont médiocres et les routes d’accès enneigées. Compte tenu de l’état de ces dernières, l’utilisation d’un véhicule 4 x 4 pour l’accès à la station du Revard a été très utile.

Sur l’accident :

Vers 13h30, alors qu’il remontait une verticale de 7m, à la cote -118m, dans l’étroiture de la sortie de ce puits, un spéléologue se luxe la rotule. Son coéquipier, parvient à le faire redescendre et à le mettre à l’abri en ayant confectionné un point chaud : le blessé est isolé du sol par un tapis de cordes et une tente est fabriquée avec des couvertures de survie sous lesquelles règne une température douce grâce aux lampes à acétylène.
Il attend ainsi les secours dans une salle de quelques métres carrés dont les trois quarts son occupés par une vasque remplie d’eau et de boue.

Entre le lieu de l’accident et la sortie du gouffre, il y beaucoup de passages étroits qui ne permettent pas le passage d’un brancard, en particulier, les 50 mètres qui suivent le puits ou à eu lieu l’accident.

Sur l’aspect médical :

L’équipe médicale, composée du Docteur France ROCOURT, de Pierre André FIXOT, infirmier et de Philippe CHARRETON, sauveteur à la CRS ALPES, a été transportée sur place par un véhicule de la CRS ALPES, elle est engagée sous terre vers 21heures.

La victime ne peut être déplacée vers un endroit moins humide et boueux, c’est donc les pieds dans l’eau et la boue que l’équipe médicale intervient.

Actions menées au niveau médical :

Le blessé est couché sur le côté gauche et souffre d’une impotence fonctionnelle totale du membre inférieur droit. Le pouls est bien frappé, il a uriné quelques heures après l’accident, il n’a pas froid. Il s’agit d’un jeune homme de 24 ans, pesant 54 kg.
Philippe Charreton découpe la combinaison les sous-vêtements au niveau de la jambe et de la cuisse ainsi que la botte au-dessus de la cheville ;
Ce « déshabillage » permet de confirmer le diagnostic de luxation de rotule.
Dans le même temps, Pierre Fixot et France Rocourt installent le matériel médical disposé sur une couverture de survie étalée au niveau de la banquette argileuse.
Ensuite, c’est au tour de l’extrémité de la manche droite de la combinaison du blessé qui est fendue sur une dizaine de cm de façon à pouvoir nettoyer correctement la main de la victime avec de l’alcool puis de la Bétadine iodée.
Abord veineux sur la main : cathéter 20G et perfusion de 500 cc de sérum salé ;
Injection de 7,5 gammas de Sufentanyl ( ce médicament est un morphinique ayant une action équivalente à 100 X la morphine). Cette injection permet quelques minutes plus tard de positionner le blessé sur le dos.
la combinaison est ensuite découpée au niveau du pli inguinal, qui est nettoyé avec de l’alcool puis avec de la Bétadine iodée. Une électrode est mise en place au niveau de la cuisse
Repérage de surface puis de l’artère fémorale et recherche du nerf crural à l’aide du neurostimulateur : contraction du quadriceps à 0,5 mA et injection de 30cc de Naropeïne à 0,75% associé à 0,03 mg de Clonidine ( le neurostimulateur est un appareil destiné à repérer les nerfs, le Naropeïne un anesthésique local de longue durée d’action, la Clonidine augmente encore cette durée).
Injection complémentaire de 2,5 gammas de Sufentanyl.
Le bloc nerveux s’installe rapidement, (donc le genou devient insensible) et la réduction (un peu difficile) de la rotule est effectuée.
la jambe après avoir été emballée par de la Velband est immobilisée dans une attelle de Zimmer. La combinaison est remise par-dessus et maintenue par un bande Nylex.
Pour protéger l’ensemble, le fond d’un sac spéléo est découpé puis le sac est disposé sur la jambe de la victime, les bretelles de portage reconverties en bandoulière.
La perfusion est enlevée mais la voie veineuse conservée et isolée de l’environnement par un pansement.
Le blessé, remis de ses émotions s’alimente : boisson froide et barres de céréales.
NB : le blessé nous dit être à jour de vaccination anti-tétanique et prend du Zoloft ( 1 cp/jour)

L’intervention de l’équipe médicale iséroise a été déterminante dans le déroulement du secours, une longue désobstruction envisagée au début n’a pas eu lieu. Les problèmes liés à l’utilisation des explosifs : émanations de gaz, bruits, projections d’éclats rocheux qui auraient largement compliqué la gestion du secours ont été évités. Selon les conseillers techniques savoyards cette évacuation sans brancard a permis de raccourcir l’opération d’au moins 36 heures.

Sur l’évacuation du blessé :

Vers 2 heures : la remontée commence, l’équipe médicale assiste le spéléologue tout le long de la progression.

Pour la première verticale, la technique du balancier est mise en oeuvre, le blessé collabore et dépense beaucoup d’énergie à l’arrivée étroite de la première verticale ce qui occasionne nausées puis vomissement. Le méandre étroit de 50 mètres de long entrecoupé par un ressaut de 2 mètres est franchi sans encombre.
Ce méandre étroit abouti à une salle, base d’un vaste puits de 27m de. Avant d’entamer la montée de ce puits, le blessé se restaure en absorbant de l’eau et de la nourriture.
A partir de la base du P 27 et jusqu’à la sortie, le blessé se déplace aidé par les sauveteurs dans les parties horizontales et tracté par la technique du balancier dans les verticales.
Il ne souffre pas du tout, son genou est complètement anesthésié.