Le secours spéléo : développement de compétences transposables.

Auteurs :
– Sylvain Amolini, IDE grottologue, Enseignant CESU 38
– Laurent Hyvert, IDE grottologue, enseignant CESU 38
– Ysabelle Thomas, Cadre de Santé grottologue CESU 38 è DIU de pédagogie.

Contact :
– Cesu38secretariat@chu-grenoble.fr

De la singularité à la créativité.

Les accidents en spéléologie ne représentent heureusement pas un problème de santé publique.

Le secours spéléo français gère environ 40 secours par an sur tout le territoire français.

En Isère le SecourS Spéléo Isère (SSSI ou SSF 38) intervient 2 fois par an.

Les effectifs des équipes de secours sont constitués pour la plupart, essentiellement par des spéléos bénévoles : la fédération française de spéléo est la seule fédération sportive qui prend en charge ses secours en renfort des équipes de corps constitués (Gendarmerie, CRS, Sapeurs-pompiers).

Les traumatismes et pathologies rencontrés lors de ces secours nécessitent souvent l’intervention d’une équipe soignante et médicale compétente, à la fois en spéléologie sportive et en soins pré-hospitaliers singuliers.

La prise en charge est à chaque fois singulière et regarde le patient dans les dimensions biologiques, psychologiques et sociales :
– Biologique par son problème du moment dans un milieu agressif où se surajoutent épuisement, froid, déshydratation.
– Psychologique car le temps d’attente dans ce milieu entre le moment de l’accident et celui de la sortie est long et sollicite durement le moral. Le contexte peut évoluer rapidement.
– Sociale par le nombre de participants au secours et leurs diversités. L’évolution du statut de l’explorateur solidaire volontaire acteur vers celui de « victime », ou « patient » dépendant des autres. Les relations humaines et la perception du milieu évoluent de l’intimité vers le barnum : changement de repère : de l’angoisse à la réassurance ?

L’Equipe soignante doit donc participer à trouver un équilibre entre Ca, cela et ceux-là.

Cet équilibre constitue le soin.

Il est singulier car il est la résultante des objectifs de soins, des contraintes et des ressources techniques mobilisables pour la progression du patient dans ce milieu.

Prenons l’exemple d’un spéléo qui a fait une chute de 12 mètres et qui souffre d’un traumatisme crânien grave, il est inconscient.

L’équipe est composée de 3 spéléologues, l’un d’entre eux est remonté donner l’alerte, un autre est resté aux côtés de son compagnon blessé pour le tenir au chaud. Le lieu de l’accident se situe à 4h00 de l’entrée de la grotte. Certaines sorties de puits sont étroites. L’un d’entre eux est arrosé lorsqu’il pleut interdisant toute progression.

Ces éléments orientent et mobilisent les secours vers :

Une médicalisation lourde nécessitant un diagnostic précis effectué par un binôme médecin-infirmier : clinique, autant que possible para clinique (échographie, ECG, T°, une intubation, de l’oxygène, …). Les moyens matériels sont limités, les moyens supplémentaires mettront au moins 5 heures à arriver !


Cela veut dire une présence logistique importante en surface (O2, réserve de TTT, anticipation d’une équipe pour gérer le patient à la sortie, éventuellement une relève…)

Pour les spéléos il faut anticiper la météo, interdire les éclairages avec flamme acétylène (présence d’O2), mobiliser des artificiers (mise au gabarit des sorties de puits pour la civière), penser les ateliers de franchissement d’obstacles pour une position horizontale du patient, prévoir les moyens de transmission, les moyens matériels et humains nécessaires…

Dans ces circonstances, les objectifs de soins sont élaborés en tenant compte de tous ces éléments : ils pourront évoluer plusieurs fois en fonction du contexte qui peut être changeant.

Les protocoles sont-ils adaptés à ce type de prise en charge ?

Les procédures hospitalières ou pré hospitalières sont-elles applicables. Ils seront considérés plus comme des repères, des recommandations de bonnes pratiques favorisant la création du meilleur soin possible pour un patient donné dans des circonstances et un environnement particuliers.

En somme, nous travaillons sur les fondamentaux du soin.

Le développement des compétences infirmières :

Selon le nouveau programme de formation des infirmiers, les compétences qui sont développées lors de ces activités de soins sont les suivantes :
Compétences :

  • Evaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine infirmier.
  • Concevoir et conduire un projet de Soins Infirmiers
  • Mettre en oeuvre et conduire des actions à visée diagnostique et thérapeutique.
  • Communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins.
  • Analyser la qualité des soins et améliorer sa pratique professionnelle.
  • Organiser et coordonner les interventions soignantes.


Depuis 2001, au CHU de Grenoble, des infirmiers volontaires et sportifs, issus de différents services, participent aux secours spéléos et aux stages rassemblant les différents acteurs mobilisés lorsqu’un accident se produit.

Certains membres de cette équipe d’infirmiers grottologues (c’est le nom de cette spécialité), sont également enseignants au CESU 38 (Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence ; 2 IDE grottologues et 1 Cadre de Santé titulaire d’un DIU de pédagogie appliqué aux soins d’urgence).

L’expérience, les compétences soignantes et pédagogiques acquises permettent de développer en formation cette démarche du soin singulier transposable à tous les autres domaines d’activités.

Des formations en direction des professionnels de santé et des étudiants :

Formation pour des professionnels de santé infirmiers et médecins :

Elle participe à développer des compétences transférables à leur activité quotidienne.

En partenariat avec le Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence (CESU38) et le SSSI, elle est inscrite au plan de formation 2010 du CHU de Grenoble et est ouverte aux personnels extérieurs (prise en charge à demander aux services de formation continue). Cette formation se déroule en 2 temps :

  • 1 semaine de 35 heures au CESU pour adapter les pratiques aux contraintes du milieu et du matériel utilisé, à partir de situations de soins sur simulateur et de travaux pratiques (encadrement par des médecins et des infirmiers ayant un vécu de secours réels et membre du secours spéléo).
  • 1 semaine « sous » le terrain, lors du rassemblement annuel de la SSSI pour éprouver et valider les apprentissages, participer à un exercice de secours avec tous les acteurs, acquérir une autonomie de progression sur corde.

Formation pour des Etudiants en Soins Infirmiers :

Elle s’intègre dans des unités d’enseignement du nouveau programme de formation.
L’objectif est de faire vivre, dans le cadre d’un exercice encadré par le secours spéléo et des infirmiers grottologues une situation de soin à partir de laquelle les étudiants développent des compétences de création et d’adaptation du soin qu’ils pourront transférer à d’autres lieux d’activités. Cet exercice fait suite à une matinée de présentation de notre activité en compagnie du Conseiller Technique en secours spéléo auprès du Préfet.
Cette formation a été dispensée depuis 2 ans auprès de deux IFSI.
L’évaluation est très positive de la part des étudiants et des équipes pédagogiques.