Infirmier Grottologue : une nouvelle spécialité au CHU de Grenoble

Article écrit par :
– YThomas @ chu-grenoble.fr
– PAFixot @ chu-grenoble.fr
– SAmolini @ chu-grenoble.fr

Crédit Photos :
– Bernard ROSSET (spéléologue )
– France ROCOURT (médecin spéléologue)
– Spéléo Secours Isère

17 heures : Demande d’intervention du SAMU 73 au SAMU 38 pour l’envoi d’une équipe de secours spéléo. Un spéléo est coincé à è 117 mètres avec une probable luxation du genou, et aucun médecin spéléo n’est disponible en Savoie.

17 heures 30 : Mise en alerte du médecin spéléo du SAMU 38, et choix par le cadre supérieur du SAMU de l’infirmier du CHU disponible qui va partir, selon les disponibilités de service , et en accord avec le Conseiller Technique Spéléo auprès de la Préfecture de l’Isère qui valide les compétences spéléos des 10 infirmiers .

18 heures 30 : Départ du médecin, de l’infirmier spéléo du CHU et d’un C.R.S tous les trois membres du Spéléo Secours Isère, qui interviennent alors à la demande du département de la Savoie , pour une luxation de genou d’un spéléologue conscient et très algique. Après 12 heures passées sous terre l’intervention de l’équipe médicale a été primordiale pour le bon déroulement du sauvetage. La réduction de la luxation et l’anesthésie locorégionale ont permis une évacuation sans brancard et dans de « relatives » bonnes conditions; il a été ainsi évité une grosse désobstruction et gagné 36 à 48 heures….


…SECOURS AU GOUFFRE DE LA PISTE DE L’AIGLE (73) le 19 Janvier 2004.

Pour mémoire en Isère, les trois derniers secours se résument ainsi :

Le gouffre Berger en 1996 :
– cause : crue.
– durée : 8 jours.
– 2 victimes et 6 blessés.
– 180 sauveteurs souterrains dont 120 spéléos bénévoles et un nombre incalculable en surface.

Les Cuves de Sassenage en 2002 :
– cause : crue.
– durée : 10h.
– pas de victimes a déplorer mais une classe d’enfants coincée au cours d’une sortie scolaire.
– 50 sauveteurs souterrains dont 30 spéléos bénévoles et toujours un grand nombre mobilisé en surface.

Le gouffre Berger en juillet 2005
– cause : luxation d’épaule
– durée : 18 h
– sauveteurs souterrains, spéléo bénévoles et encore un nombre important mobilisés en surface .

Les massifs du VERCORS et de CHARTREUSE qui surplombent Grenoble comptent quelques milliers de cavités dont 200 classiques. La multiplicité des activités outdoors en Isère ainsi qu’une activité spéléologique importante surtout représentée par le « mythique » Gouffre Berger sur le plateau du Vercors (-1122 mètres), l’existence de toutes ces cavités potentiellement accidentogènes nécessitent la mise en place de secours adaptés.

En 1972 naissait la 3SI, Société Secours Spéléo Isère (association loi 1901) puis plusieurs médecins s’intéressent au problème des secours sous terre et démontrent le besoin de médicalisation des secours spéléo.
Dès 1977 les Docteurs Kergomar et Rocourt participent au stage spéléo organisé par la 3SI et les CRS ; participation qui s’étend rapidement aux autres corps constitués : pompiers, gendarmes, secouristes, ambulanciers du SAMU et d’autres médecins du CHU.

Depuis 1976 une centaine de secours ont été déclenchés pas seulement en Isère, dans les départements limitrophes et même jusque dans les Pyrénées !!
Les infirmiers ne font pas encore partis de l’équipe mais seulement de la réflexion…….

Les besoins paramédicaux lors des secours spéléo sont définis en commun par le coordonateur général des soins, les médecins spéléo du CHU, le cadre supérieur du SAMU, les responsables médicaux du SAMU.
L’équipe initiale acheminée au fond des cavités (médecins et ambulanciers du Samu 38) est renforcée par des infirmiers: en 2001 un groupe  »d’infirmiers spéléo » est alors constitué au CHU Grenoble ;
des infirmiers « sportifs », venant de différents services de soins, s’inscrivent sur une liste pour être prêts à intervenir dans le cas très spécifique d’un secours spéléo nécessitant une médicalisation et la mise en oeuvre de soins médicaux et infirmiers dans le cadre de la législation en vigueur.

LA FORMATION

Grâce à l’encadrement bénévole , dynamique et très « pro » des membres du Spéléo Secours Isère (de l’initiateur au Conseiller Technique auprès du Préfet), ainsi qu’à un investissement personnel tant en matériel, qu’en organisation de sortie sur notre temps personnel, nous avons pu acquérir une maîtrise des équipements et une autonomie sous terre, gage de sécurité et d’efficacité lors d’opération de secours. Le but de ces entraînements étant d’arriver le plus « frais » possible auprès de la victime et d’être capable de dispenser des soins.
Des rotations sont toutefois possibles si le secours devait se prolonger. Pour mémoire le dernier secours au Gouffre Berger a en 1996 avait duré plusieurs jours.

LICENCE ET FEDERATION

Certains d’entre nous ayant pris le « virus » se sont fédérés auprès de la Fédération Française de Spéléologie via l’adhésion dans des clubs de la région pour maintenir une constante connaissance des cavités et également entretenir une bonne condition physique vu la difficulté de la discipline.

ENTRAINEMENT ET FORMATION CONTINUE

Nous participons ainsi depuis la création de cette nouvelle spécialité aux stages de corps constitués et aux exercices de secours où nous nous inscrivons dans une équipe pluridisciplinaire (médecins è pompiers è CRS è gendarmes et spéléos) impliquée dans ces opérations, afin de mieux acquérir automatisme et confiance pour optimiser une prise en charge rapide et efficace de la personne blessée.

Cette configuration de secours (très particulière) sous terre est nécessaire afin de pérenniser nos connaissances compte tenu des contraintes spécifiques et physiques du travail en équipe et de l’évolution constante des techniques. Précisons que l’ambiance est exceptionnelle en solidarité et professionnalisme, le but de chacun étant d’arriver « au mieux » prés de la ou des victimes.

Ce stage annuel (pris en charge par la formation continue du CHU) permet une réévaluation par les membres de la 3SI de notre potentiel et surtout de nos compétences, afin de nous dépêcher sur des secours en fonction des capacités de chacun. Après ce stage le responsable technique spéléo fournit au cadre sup de santé du SAMU la liste des IDE qui ont validé la formation. Le risque de sur-accident et de ralentissement de progression qui pourraient nuire à ces opérations est ainsi limité .

Via le Samu, médecins et nous même (personnel paramédical) pouvons être appelé à intervenir en cas de secours en spéléologie non seulement dans l’Isère mais également dans les départements voisins. Dans certains cas difficiles les demandes peuvent émaner de très loin.
Le cadre supérieur de santé du Samu évaluera en accord avec le Conseiller Technique auprès du Préfet la possibilité de la participation d’un des 10 IDE spéléo du CHU. Cette évaluation se fera bien sur au regard des plannings de chacun, tenant compte de la durée imprévue du secours.

Le directeur de garde de l’hôpital en sera alors informé ainsi que le cadre du service de soins concerné.

L’infirmier intégré à l’équipe saura s’enquérir des difficultés techniques de la cavité en accord avec le Conseiller Technique qui en aucun cas n’acceptera son intervention si sa sécurité est mise en cause. Chacun d’entre nous évoluant a des niveaux différents. Cette organisation est décrite dans une procédure validée par la direction des soins .

Les moyens matériels utilisés seront répartis dans des « kits » (sacs spéléo) : matériel médical (intubation, perfusion…) et vêtements isolants pour le blessé. Le matériel personnel emporté en plus correspondra à une autonomie d’environ 24 h 00 (nourriture et éclairage). Il faudra également veiller selon la configuration à adapter en fonction des conditions particulières:
combinaisons néoprène, pontonnière, vêtements chauds , matériel pour approche hivernale si besoin

Le maintient opérationnel des équipements spéléo est à la charge des infirmiers du SMUR, le budget est imputé du budget du SMUR.

BILAN

Depuis la création de ce groupe peu d’infirmiers se sont retrouvés engagés sous terre car bien heureusement peu de secours ont nécessité une médicalisation ( en moyenne il y aurait un « gros secours » tous les cinq ans). Mais il existe dorénavant un réservoir suffisant de personnel qualifié pour parer à toute les éventualités dans ce domaine du monde souterrain.

Il apparaît néanmoins que le binôme médecin / infirmier devrait être reconduit sur tous les secours à venir pour une amélioration de la prise en charge des victimes.

La collaboration entre le CHU de Grenoble et le Spéléo Secours Isère est une première en France: elle permet une prise en charge des blessés de qualité, alliant la médicalisation à une sécurité optimale dans ce milieu si difficile et pourtant merveilleux qu’est le monde souterrain.