Grotte du Guiers-Mort – 14 et 15 novembre 1998

par T. LARRIBE, Président de la Société Spéléo-Secours Isère et
Conseiller Technique adjoint

LE CHOIX DE LA CAVITE ET DU TYPE D’EXERCICE

Le réseau de la Dent de Crolles est une cavité où nous intervenons régulièrement pour des recherches de disparus. Jusqu’à présent, aucun blessé n’avait été évacué par le Guiers Mort et aucun exercice secours incluant le brancardage d’une civière, n’avait été réalisé dans cette partie du réseau.
Un des objectif de l’exercice était d’acquérir des références techniques relatives aux conditions d’évacuation dans un secteur délimité d’une cavité hautement fréquentée :
– nombre de sauveteurs à engager,
– nombre de passages à élargir,
– localisation des postes radio.
La Dent de Crolles, réseau de grande renommée, a fait l’objet de récentes publications : un ouvrage très complet et un article dans la revue Vertical du mois de novembre, ce qui devrait accroître sa fréquentation.

SCENARIO

Trois spéléologues isérois, entrés dans le réseau de la Dent de Crolles la veille au matin, n’en sont pas encore ressortis. De bon niveau technique, ils devaient effectuer une boucle dans le Guiers Mort. Un accident n’est pas à exclure.

DEROULEMENT DE L’EXERCICE

09H00 Arrivée au hameau de Perquelin, des premiers spéléologues.
Le Poste de Commandement (P.C.) est installé dans une grange mise à notre disposition.
09H35 Départ de « l’équipe du blessé » vers l’entrée du Guiers Mort.
10H 40 Départ de l’équipe radio ADRASEC qui doit assurer les liaisons radio entre le P.C. et l’entrée.
11H00 à11H10 Départ des équipes de recherche/transmissions souterraines.
12H15 L’équipe ADRASEC est à l’entrée, avec les équipes de recherche/transmissions.
12H50 à 13H10 Entrée sous terre des équipes de recherche/transmissions.
15H15 Première liaison radio entre les équipes de recherche et l’entrée.
16H50 Le blessé est retrouvé à la Varappe de l’ours.
17H15 L’équipe médicale part du P.C..
18H42 L’équipe médicale entre sous terre.
22H20 Bilan médical.
23H50 à 11H50 Evacuation de la civière puis sortie du blessé.
12H40 Tout le monde est de retour au P.C..
Nettoyage et rangement du matériel et des locaux mis à notre disposition.

 

PARTICIPANTS
109 personnes, réparties en 21 équipes, ont participé à l’exercice, 86 ont été engagées sous terre. Une quinzaine de personnes nous ont rendu visite parmi elles :
– Monsieur le Directeur de Cabinet du Préfet,
– Monsieur le Directeur du Service Interministériel de Défense et de Protection Civile,
– Monsieur le Maire de Saint Pierre de Chartreuse,
– Madame la Présidente du Comité départemental de spéléologie,
– Monsieur le Commandant de la compagnie de Gendarmerie de Meylan.

Spéléos : 82
– S.S.S.I : 68
– Rhône : 6
– Drôme : 2
– Région Ile de France : 6
Corps constitués : 17
– Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne : 5
– C.R.S.Alpes : 5
– Pompiers GRIMP : 7
ADRASEC 38 : 10

BILAN

Sur le deroulement de l’exercice
La recherche a duré près de 6 heures, ce qui est rapide compte-tenu de la surface à fouiller et de l’éloignement de la victime. L’évacuation a pris 12 heures, ce qui s’explique par :
1- les difficultés de progression liées à la configuration particulière du parcours :
– peu de puits,
– part importante de galeries basses, voire étroites.

2- l’absence d’expérience antérieure de brancardage dans cette partie du réseau,vierge de toute opération d’évacuation de civière :
– nécessité de concevoir et de réaliser les équipements secours de tous les obstacles,
– prévision difficile du matériel à engager,
– gestion prévisionnelle des équipes de brancardage difficile.

3- la forte proportion de sauveteurs inexpérimentés dans les équipes engagées.

Les Principaux apports de l’exercice
La médicalisation du blessé :
Le Docteur France Rocourt a testé un nouveau plâtre plus résistant à l’humidité et donc plus adapté au milieu souterrain. L’essai est concluant, cette technique permet en cas de blessures légères, de prendre en charge le blessé sans la civière pour franchir des passages étroits ponctuels, évitant ainsi les inconvénients liés à l’élargissement des conduits : manipulation d’explosifs, attente, dégagement gazeux..

Les transmissions souterraines :
C’était le premier exercice effectué en collaboration avec l’ADRASEC, cela nous a permis de prendre le temps de mieux nous coordonner, un exercice ne présentant pas le caractère d’urgence d’une vériable opération de secours.
L’apport de la radio en opération de secours spéléologique est indéniable, le système Nicola utilisé dans le cadre de recherches en réseau labyrinthique a permi de gagner un temps non négligeable sur l’opération, évalué environ à 12 heures, grace à :
– la rapidité de mise en service du système (absence de fil téléphone à dérouler),
– le compte-rendu accéléré des missions des équipes de recherche,
– la transmission d’un premier bilan de la victime par l’équipe de recherche, qui permet d’ajuster les moyens médicaux que l’on engage,
– le suivi de la progression de la civière et l’évaluation plus précise des besoins en équipes de brancardage et en matériel.

La tenue du P.C. et la gestion de sauvetage :
– Cet exercice a été l’occasion de tester un P.C. idéal, celui-ci devant être séparé en deux zones distinctes mais proches : la première qui accueille les sauveteurs, les recense et abrite la gestion du matériel, la deuxième où se trouve les C.T., la documentation relative à la cavité, cela permet à ceux qui gèrent l’opération d’être au calme pour préparer les missions des équipes et faire du prévisionnel.

– L’équipe de gestion doit être d’autant plus étoffée dès le début de l’opération que l’ADRASEC doit se déplacer en un lieu éloigné du P.C. :
– installation du P.C. et du local à matériel,
– gestion du matériel,
– gestion des sauveteurs déjà sur place (rescencement et distribution des première taches),
– tenue de la main-courante,
– balisage P.C./entrée de la cavité,
– P.C. avancé,
– accompagnement de l’ADRASEC (portage) jusqu’à l’entrée,
– établissement d’une liaison radio indépendante entre le P.C. et la cavité.

Le relationnel :
Une participation massive, en progression de 50% par rapport au précédentes formations, a permis de réunir de nombreux spéléologues, y compris ceux que nous n’avions pas ou plus l’habitude de voir. Avec cet exercice nous avons également touché une population spéléologique relativement jeune et n’ayant pas ou peu d’expérience en secours. Douze nouvelles inscriptions sur les listes de sauveteurs ont été enregistrées.
Au delà des chiffres, cet exercice a permis à chacun de tester ses compétences dans la mission qui lui revenait :
– Organisation/décision : la nouvelle équipe de Conseillers Techniques et les nouveaux secrétaires de surface ont mis en oeuvre ce qu’ils ont appris,
– Equipes de sauvetages : anciens et nouveaux se sont rendu compte qu’ils avaient quelques lacunes, quelques uns ont demandé que soit organisée une formation aux techniques secours et aux transmissions souterraines. D’autres nous ont déjà demandé de pouvoir participer au prochains stages d’équipier/chef d’équipe organisés par le Spéléo Secours Français. Nous allons donc proposer une série de formations adaptées aux désidérata des sauveteurs isérois.
Les corps constitués sont intervenus en équipes mixtes, ce qui a favorisé les échanges avec les spéléologues. Leur hierarchie respective ayant été avisée en septembre de la tenue d’un tel exercice, leur participation a été relativement importante. Les gendarmes du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne sont intervenus en tant qu’officier de police judiciaire, suite à leurs constatations, ils ont participé à l’évacuation de la civière.
Les radio-amateurs de l’ADRASEC 38 sont venus en nombre en se relayant jour et nuit dans des conditions très dures pour ceux qui se trouvaient à l’entrée de la grotte. Ils ont été d’une aide précieuse en assurant la pérénité des liaisons radio entre l’entrée de la grotte, où ils recevaient les messages provenant de la cavité par le système NICOLA, et le P.C..

Les rapports avec les autorités
La venue du Maire de Saint Pierre de Chartreuse a permis d’engager le dialogue sur les mesures de prévention à adopter pour éviter que des spéléologues improvisés se perdent dans cet immense réseau. Nous devons nous rencontrer à nouveau avec le Comité Départemental de Spéléologie.
La visite des représentants de la préfecturea permis de les tenir informés de l’évolution des méthodes de gestion conçues pour les sauvetages en milieu souterrain ( diagrame, planning, main-courante).

Les contacts avec la presse
Une équipe de TF1 est partie sous terre sérieusement encadrée, afin de prendre des images de transmissions souterraines. Un journaliste et un photographe du Dauphiné Libéré sont venus prendre de nombreuses photographies et poser quelques questions sur l’exercice et les transmissions souterraines , un article a été publié dans l’édition du dimanche 15 novembre.

Pour la Société Spéléo Secours Isére
Thierry LARRIBE